Le diamant, pierre millénaire à forte valeur symbolique, se veut l’ornement par excellence de l’anneau déclaratif de son amour. Les diamants synthétiques arrivent sur le marché et sont parés à bousculer le monde de la joaillerie.

Le diamant, pierre millénaire à forte valeur symbolique, se veut l’ornement par excellence de l’anneau déclaratif de son amour. Les diamants synthétiques arrivent sur le marché et sont parés à bousculer le monde de la joaillerie.
Demandant des années pour se former dans les entrailles de la Terre, ce diamant, joyau symbolisant la solidité de l’amour éternel, pose cependant des questions autour de l’éthique et des méthodes d’extraction au fort impact environnemental. Les diamants de synthèse viennent y remédier en se rapprochant de l’ingénierie de la nature tout en respectant l’écologie et l’humain.
LE GÉANT DE BEERS SE MET AU DIAMANT DE LABORATOIRE.
L’expert sud-africain du diamant a pour objectif de séduire une clientèle plus jeune et de répondre à la demande des consommateurs. De Beers s’est donc penché sur le marché des pierres synthétiques à destination de la joaillerie et lance sa filiale nommée Lightbox. Cette nouvelle marque s’approvisionnera en diamants créés par la branche industrielle de De Beers, Element Six, leader du diamant de laboratoire depuis plusieurs décennies. Avec des diamants 90% moins chers, Lightbox met l’accent sur des pierres qui n’auront ni la même utilisation ni le même storytelling que les diamants naturels. De Beers évite ainsi de rentrer en conflit avec son marché initial avec des bijoux destinés à de jolis cadeaux et non comme une alternative à la bague traditionnelle de fiançailles.
DIAMANTS DE LABORATOIRE SUR LA PLACE VENDÔME : LE LUXE PAR COURBET.
Courbet, quant à lui, montre sa volonté de prendre en considération le diamant synthétique comme le futur de la joaillerie de luxe. C’est une première sur la plus célèbre place joaillière avec une pierre éthique et éco-responsable, 30% moins cher que les diamants naturels. Reprenant le nom du peintre et sculpteur français Gustave Courbet, la marque est sensible au respect de la nature. Diamants de laboratoire et or recyclé, pour Courbet il n’y a pas de beau sans du bon, ajoutant aux 4C déterminant la beauté d’un diamant (Carat ; Couleur, Clarté et Taille « Cut » en anglais) un 5ème, le C de « Conscience ».
Qu’en est-il de la composition exacte des diamants de synthèse ? Le GIA (Gemological Institute Of America) précise que les diamants de synthèse sont pratiquement identiques aux véritables diamants. Ils partagent la même structure cristalline et les mêmes propriétés optiques et physiques que les diamants trouvés dans la nature. Les différences peuvent se voir seulement en laboratoire. Le GIA fournit des rapports offrant les mêmes informations que les certificats de diamants naturels. On retrouve une description générale de la couleur et de la clarté, sans oublier de notifier que la pierre a été cultivée en laboratoire. Un numéro de référence est aussi inscrit au laser sur la ceinture du diamant, qu’il soit naturel ou non.

Certains professionnels sont sceptiques vis à vis de la croissance du diamant de synthèse sur le marché. Pour eux cette pierre de laboratoire ne remplacera jamais le diamant naturel et risque, avec son prix beaucoup plus attrayant, de faire naître une nouvelle forme d’escroquerie.
Pourtant, allier l’univers étourdissant du diamant avec une démarche éthique, est une clé de réussite dans une ère où la prise de conscience et la transparence des marques de luxe sur leurs produits devient de plus en plus significative. Depuis la mise en place du processus Kimberley, les “diamants de conflit” ont diminué et de plus en plus de diamantaires ou de maisons joaillières se dotent de multiples certifications sur leurs fournisseurs et sur l’éthique autour de l’exploitation.
Pour aller plus loin, j’ai posé des questions au gemmologue et diamantaire Jérôme Jabès.
Peut-on voir une différence à l’œil nu entre un diamant naturel et un diamant de laboratoire ?
A l’œil nu, c’est difficile. Il faut être un grand professionnel pour sentir qu’il y a quelque chose qui cloche. Auquel cas on l’envoie en laboratoire pour vérification, sinon on le vérifie au microscope en regardant les impuretés. Ces dernières sont à manier avec nuance. Certaines vont prouver qu’il y a du carbone comme dans un vrai diamant. D’autres vont montrer que c’est bien une pierre de laboratoire. Quand les impuretés sont absentes, cela peut mettre la puce à l’oreille.
Il y a-t-il une différence de qualité ?
Des deux techniques de diamants synthétiques, HPHT (Haute-Pression Haute-température) donne des pierres moins pures mais plus dures que la technique CVD (Dépôt Chimique en phase Vapeur)* dont les diamants sont à l’inverse très purs mais moins durs. Mais quand on parle de “moins dur” cela se situe toujours autour du 10 (sur l’échelle de Mohs). Ici on parle de micro-mesures.
*La technique CVD est la plus répandue. Par un mélange de substrat de diamant, auquel on ajoute du méthane, les atomes de carbone se dégagent par processus de micro-ondes, se déposent et forment alors une cristallisation née de couches successives.
Le diamant de laboratoire va-t-il durer dans le temps ?
Oui ça va durer. Mais vous savez, on n’a pas assez de recul. Les plus vieux diamants de synthèse sont des années 50, la méthode CVD est encore plus récente…
Y a-t-il des risques d’escroquerie avec des diamants de synthèse vendus au prix de diamants naturels ?
Bien sûr. Depuis longtemps des faux diamants ont été commercialisés comme de vraies pierres. Des commerçants malveillants peuvent mettre dans un lot, vendu comme naturel, 10, 30 voire 50% de diamants de synthèse. Les Russes ont été les premiers connus pour cela.
D’ailleurs, le HRD a développé depuis une dizaine d’années une machine. Les diamants sont triés par milliers et les pierres de synthèse sont identifiées et séparées. Nous (diamants Jérôme Jabès), vendons des pierres exclusivement naturelles, certifiées par le GIA ou le HRD et la plupart de nos fournisseurs, certifiés RJC (Responsible Jewellery Council), sont équipés de cette machine et nous attestons sur nos factures de vente que nos diamants ne sont pas d’origine de conflit, conformément aux résolutions des Nations unies. Il faut noter que chaque diamant est unique et le numéro inscrit sur la fiche du GIA est inscrit par laser sur la ceinture du diamant naturel. Le GIA a aussi une banque de données de diamants synthétiques. Ce n’est pas interdit d’imiter, mais c’est interdit de ne pas le dire.
Cela va-t-il bousculer le marché des diamants naturels de manière positive ? Rendre plus éthiques les méthodes d’extraction ?
Nous nous sommes engagés à vendre du diamant naturel et du diamant qui n’est pas issu de conflits. C’est important de mixer les deux. Les diamants de conflits, il y en a beaucoup moins. Ce n’est plus ce que c’était. La certification de l’éthique est importante. C’est-à-dire que nous nous engageons à ne pas acheter des diamants de conflits et à connaitre nos fournisseurs, qui sont certifiés RJC et agréés Processus de Kimberley. Nos mines sont familiales et nous allons régulièrement voir comment les gens y travaillent. Loin de nous le temps de “Blood Diamonds”. Depuis quelques années l’ONU s’y est intéressée. Le Kimberley Process est un agrément à la source, dans les mines de diamants. Les gouvernements donnent aux exploitants miniers cet agrément, s’ils respectent l’éthique, que les prix ne sont pas sous-évalués, que les travailleurs ne sont pas sous-payés, etc. Il restera cependant des fabricants malveillants mais comme dans toute industrie.
De nos jours les gens sont méfiants, c’est dans l’air du temps, ils ne vont plus acheter n’importe quoi aveuglement. Donc cela est en train de bousculer le marché, de le perturber un peu. Les arguments en faveur du diamant synthétique sont qu’il est moins cher et qu’il abîme moins la nature. Pourtant les méthodes d’extraction de la pierre naturelle ont changé et sont plus prudentes avec la nature.
Là où le diamant de laboratoire va perturber le marché c’est dans l’esprit des clients. Ils se disent que c’est un diamant, mais moins cher.
Que pense Anvers de tout ça ?
Ils ont peur, bien sûr. Cela reste une menace. Mais, depuis que De Beers commercialise des diamants à – 90%, ils sont quand même rassurés. Cela montre la vraie valeur d’un diamant de synthèse.
Peut-on considérer ces diamants fabriqués par l’homme comme de véritables diamants avec toute la symbolique qui en découle ?
Rien ne remplacera l’histoire d’un vrai diamant qui met plusieurs milliards d’années à se former et à remonter à la surface de la Terre.
Contact : Jérôme Jabès, gemmologue GIA et diamantaire
https://jeromejabes.com/
Photos Unsplash